Frugalité joyeuse

Depuis le fort Sainte-Agathe,à Porquerolles, l’aurore

Dans quelques jours, commencera la Climate Week NYC, un formidable événement rassemblant dans la capitale-monde des centaines de dirigeants, de penseurs, de vedettes, qui vont, pendant une semaine entière réfléchir ensemble au changement climatique et aux meilleurs moyens et actions permettant de l’atténuer.

Il est évidemment très probable que, cette fois-ci comme l’année dernière, comme l’année d’avant encore et comme toutes les années depuis la création de l’événement, il y a maintentant quinze ans, rien de substantiel n’en sorte ; mais pas moins, après tout, que d’arroser de peinture des oeuvres de Van Gogh, de voir s’effondrer les montagnes et disparaître les glaciers, de pleurer les morts des inondations géantes ou de regretter les forêts qui, partout sur la planète, partent en fumée : quoi qu’il se passe, quoi qu’on fasse, rien, finalement, ne change.

Avant-hier en fin de journée, rentrant du bureau, je traversais Paris. Les quais étaient remplis de ces énormes voitures qui sont devenues la norme, avec le plus souvent une seule personne à bord, et la piste cyclable saturée dans les deux sens : plus de vélos, mais pas moins de voitures, en application de la règle du “Toujours plus !”, de cet effet cliquet dont nous sommes incapables de nous débarrasser.

La sobriété nous est tout sauf naturelle. On peut bien sûr, et à raison, accuser la publicité et la société de consommation qui en accroissent les effets destructeurs ; mais notre propension à en vouloir toujours plus a des racines profondément ancrées dans notre humanité ; et la société ne fait que reproduire et favoriser un comportement inscrit dans nos gènes et que nous avons tous, aussi bien en tant qu’espèce qui a conquis le monde qu’en tant qu’individus ambitieux et jaloux.

Depuis toujours et sous différents noms, les civilisations savent la force et le pouvoir de l’avidité, de l’envie, et même de la gourmandise, le rôle moteur qu’elles jouent dans nos vies ; depuis toujours elles les dénoncent comme des errements ou des péchés alors que la sobriété est érigée en modèle et idéal à suivre ; et depuis toujours c’est un échec, la sobriété ne s’imposant que par la force ou le malheur des temps, et n’étant librement adoptée que par une minorité monastique, ou aristocratique, qui ne la pratique d’ailleurs que parce qu’elle y voit la porte du Paradis ou le prix à payer pour son pouvoir : pas de sobriété volontaire sans contrepartie symbolique.

Entre la sobriété imposée de la pensée collapsologique et celle qui ne pourrait prospérer que sous le contrôle de gourous ou de grands inquisiteurs, poliçant la pensée et les désirs, il faut inventer le chemin vers une frugalité non seulement heureuse mais joyeuse ; une frugalité énergique, positive, individuelle, libre et solaire.

C’est le chemin que trouvent les amoureux, celui qui nous revient en randonnant sur les sentiers et les montagnes, et qu’on rencontre encore quand on lève les yeux pour se plonger dans la beauté du ciel. C’est ce chemin dont il faut apprendre à ne pas se lasser.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.