Last updated on 29 décembre 2023
Le célibat a l’avantage de la liberté. Celle, petite, quand les enfants sont grands, d’aller et venir à son gré sans devoir rendre de compte à personne ; et la grande, l’immense liberté dont Georges Moustaki a su si bien parler. Il y en a sûrement d’autres.
Les inconvénients, les peines, les tristesses sont légion. L’une des principales (pas la seule et pas forcément la plus pesante, mais le classement des désolations est changeant ; il dépend des moments, des jours, des saisons, de la couleur du ciel, de qui l’on croise et dont on a des nouvelles, de la joie qu’on ressent, des désirs, des frustrations, et peut-être, parfois, de notre croyance en la bonne figure que l’on fait, car il arrive que même les conseils de ce bon docteur Coué ne parviennent pas à combler le vide qui bée), l’une des principales peines, donc, au moins pour moi, est la fermeture du partage qui (c’est l’objet de ce papier et, probablement une porte ouverte mille fois déjà défoncée) vient gâcher le plaisir de la liberté.
Je traversais Paris hier. En cette saison, à quelque heure qu’on sorte du bureau il est déjà minuit : la ville est noire et pleine de lumières chatoyantes, les rues remplies de monde qui parle mille langues à la fois. Pour mieux l’écouter, pour mieux la cotoyer, j’ai abandonné mon vélo pour parcourir à pied le chemin menant chez moi.
Au Pont-Neuf, une lune pas encore tout à fait pleine se dessine derrière les nuages, tandis que, vers la rive gauche, la Seine flamboie sous le soleil des lampadaires. On dirait un fleuve d’or.
Le spectacle est magnifique. On se croirait au-dessus du Pactole, d’un Pactole fantasmé car je pense que le vrai n’a pas cette apparence. Il y a l’air frais, le pavé humide et qui brille, tous ces touristes qui se pressent et sont émerveillés, et, au dessus de nos têtes, le faisceau du phare de la Tour Eiffel qui tournoie.
La vraie peine, à ce moment (dont on se remet, bien sûr ; et, bien sûr, il y a évidemment plus grave et plus douloureux, plus terrible et plus scandaleux, plus injuste et plus dramatique) ; la vraie peine, à ce moment, est de ne pouvoir partager l’instant.
En l’absence de partage (je crois que Katia n’a jamais bien compris cela, ou peut-être ne l’a-t-elle jamais ressenti, ou peut-être, orgueilleusement, n’a-t-elle jamais voulu l’accepter) ; en l’absence de partage, le plaisir de la liberté se dissout et file entre nos doigts ; il devient une sorte de fausse monnaie, de chose à jamais trompeuse et incomplète.
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J’espère que tu retrouveras bientôt quelqu’un avec qui partager ces moments. Tu décris si bien cette promenade nocturne que le partage existe bien – mais bien sûr, ce n’est pas pareil.
Merci, tres chère Frog, de tes douces paroles. Et puissent-elles être exaucées !