Last updated on 28 décembre 2016
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L’histoire et les sciences sociales sont fondées sur l’idée qu’on peut se mettre à la place des autres, qu’on peut comprendre leurs motivations et leurs façons d’agir.
Cela vient notamment du fait que nous partageons, effectivement, avec tous les hommes, certaines émotions, certains sentiments, certaines besoins et contraintes : la peur, la faim, la colère, la compassion, sont partagés et nous pouvons probablement comprendre les individus, les groupes, les peuples, les nations qui sont mus, à un instant donné, par ces grandes passions.
Mais au delà ? Peut-on vraiment comprendre ce qui motive la personne en face de nous, qui a agi d’une certaine façon ? Nous le croyons, au fond de nous-mêmes. Nous pensons être assez proche de cette personne, assez similaire à elle, pour ressentir ce qu’elle a ressenti, penser ce qu’elle a pensé, être à même de comprendre, par déduction ou intuition, les raisons de sa conduite. Et c’est du fait de cette croyance que nous pouvons nous-mêmes réagir à son action, la féliciter, la critiquer ou émettre un jugement.
Mais cette croyance en notre capacité à comprendre l’autre est-elle vraiment fondée ? En fait, ça n’est pas sûr.
Comme le dit fort justement l’expression, nous croyons pouvoir comprendre l’autre en nous mettant à sa place. Mais c’est nous que nous mettons à sa place. Nous et non lui. Or, s’il y a bien une chose qu’on finit par comprendre avec le temps, c’est que, en dépit de nos nombreux points communs, nous sommes différents les uns des autres. Nous n’avons pas la même sensibilité, la même façon de percevoir les choses, la même façon d’y réagir. Et quand nous nous mettons à la place de quelqu’un, c’est notre façon de voir les choses que nous utilisons, et non la sienne.
Ce que nous faisons, du coup, c’est plaquer sur cette personne notre propre sensibilité. Et si, comme c’est souvent le cas, c’est un reproche qui pointe derrière notre analyse, et un défaut qui est ainsi désigné, c’est le plus souvent notre propre défaut que nous révélons. A sa place, expliquons-nous en fait, nous aurions agi ainsi, avec pingrerie, paresse, peur, colère. Et c’est parce que nous-mêmes aurions agi ainsi que nous reprochons à notre interlocuteur d’avoir agi ainsi – alors que nous n’en savons, au fond, strictement rien.
On peut se mettre à place des autres. Mais se mettre à place des autres, ça n’est pas forcément les comprendre.
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Très juste. C’est pour cela que l’on ne peut en aucun cas juger une personne, car nous ne sommes pas elle, nous n’avons pas son histoire, ni son vécu.