Last updated on 24 janvier 2021
Le compositeur Max Richter a composé il y a une quinzaine d’années un magnifique morceau (qu’on peut entendre derrière ma voix) intitulé On the nature of daylight, qui a d’ailleurs été très largement utilisé, notamment dans des bandes-sons de films.
Il lui a certainement fallu du courage pour, ayant composé cela, poursuivre. Car elle devait être grande, la peur de ne jamais plus arriver à faire aussi bien, la crainte de déchoir.
Je comprends ces artistes qui, ayant produit une œuvre sublime, s’arrêtent, tétanisés par la perfection atteinte ; ces personnes qui, arrivées à ce qu’elles pensent être l’apogée de leur existence, décident d’y mettre fin, de peur du déclin.
Et pourtant, il faut prendre le risque de ce déclin pour avoir une chance de faire mieux ; il faut accepter de déchoir pour pouvoir progresser.
Telle est la nature de la clarté du jour, et de cet autre delight qu’est le bonheur : il faut être prêt à la nuit pour que la lumière renaisse ; être prêt à tout abandonner et à ne rien retenir pour que le plaisir advienne ; être prêt à tout perdre pour que l’amour vive.
Max Richter a sous-titré Entropy une des nombreuses variations de son morceau. Et il est bien vrai que la perfection a partie liée avec l’entropie : quand la perfection est atteinte il n’y a plus rien à y changer, plus rien à bouger ; tout peut s’arrêter là et mourir. Et il faut, pour que la vie se poursuive, prendre le risque de l’imperfection.
On en revient à la geste divine initiale, au Tsimtsoum, à la décréation de Simone Weil : Dieu ayant atteint sa plénitude et empli tout l’espace de celle-ci, il lui a fallu, pour créer le monde, se rétracter, déchoir de sa perfection pour laisser place à autre chose, pour permettre que l’altérité advienne. Le monde est né de ce mouvement qui déplace les lignes, de ce choix d’une possible imperfection, de ce renoncement.
La photo a été prise à Porquerolles, à la Pointe Prime, au déclin du jour d’un été.
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j’aime beaucoup ta voix. Je te le redis, parce qu’il me semble que je te l’ai déjà dit.
Elle s’accorde avec la musique, et avec cette imprévisible fragilité des choses que tu décris si bien.
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Merci Célestine. Le micro joue beaucoup (et je me rends compte, quand je m’écoute, que c’est très artificiel. Au naturel, je parle vite et m’embrouille tout le temps !).
Très beau texte. Merci.