Les biens communs, le marché et la norme

Rouleau de paille, fleurs, herbe, bois et, au fond, la vapeur d’eau sortant des aeroréfrigérants de la centrale de Nogent-sur-Seine

J’étais hier soir à Normale Sup, où la revue Le grand continent avait organisé une conférence sur le sujet de l’énergie. Y participaient Ramona Boj, directrice de Green (dont le dernier numéro est consacré à “l’écologie de guerre”), Massimo Amato, professeur d’économie à Milan, et Jean-Bernard Lévy, ancien Président d’EDF, qui vient de signer avec Cécile Renouart et Charles Weymuller un article intitulé “Penser les biens communs pour affronter les “dilemmes tragiques” de l’énergie”.

C’est un sujet passionnant, capital pour notre temps, et qui rejoint des préoccupations dont je me suis déjà ouvert ici (ou ).

Les biens communs sont les biens qui ont simultanément deux caractéristiques : ils sont à la fois essentiels et en quantité finie, ces deux aspects devant cependant être plus précisément définis :

Ce sont des biens essentiels parce qu’ils sont, comme l’énergie, nécessaires à plein de choses. Dans l’absolu, toutefois, ce ne sont pas vraiment des biens essentiels ; ils sont déclarés tels par choix éthique.

Ce peuvent être des biens en quantité finie mais aussi des biens en quantité quasi infinie mais dont la production est tellement destructrice, génératrice de dégâts environnementaux et sociaux que, même si ces externalités négatives ne peuvent être tout à fait mesurées et valorisées, on choisit, volontairement, de les limiter, et donc de limiter la quantité produite.

Ces deux limites rendent la gestion de ces biens par le marché peu pertinente. Le principe du marché,  qui fait son efficacité, est en effet de décentraliser la décision, comme dit Jean-Michel, en allouant le bien à la personne qui en retire l’utilité maximale puisqu’elle est prête à en payer le prix le plus élevé. Mais ici, ça ne marche pas. D’un côté parce qu’il est hors de question que le prix atteigne un niveau qui interdirait aux pauvres de se le procurer ; et de l’autre parce que, dans l’hypothèse même où le prix permettrait de ravager la planète pour se le procurer, il est justement jugé préférable de ne pas le faire.

D’un côté comme de l’autre, le marché est inopérant, ou plutôt mal opérant : il risque d’affamer les foules et de détruire toute vie sauvage pour permettre à quelques privilégiés de continuer à mener grand train. Il faut donc lui substituer des dispositifs hors marché, des dispositifs centraux et étatiques fondés sur la redistribution sociale et la norme. Mais cela n’a de sens et ne peut se faire qu’à condition de préalablement reconnaître qu’existent des biens et des nécessités que le marché, la propriété, l’économie, sont totalement incapables de valoriser et de gérer ; de reconnaître que le monde, pour survivre et ne pas devenir insupportable et invivable, doit être démonetisé.

C’est un des mérites de cet article d’explorer ce sentier.

Aldor Écrit par :

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