Peut-être notre génie propre, notre capacité à représenter le monde, à le penser, à le rationaliser (et notre propension à l’instrumentaliser qui l’accompagne) découle-t-elle de cette angoisse, de cette panique première face aux choses, de ce renfermement initial de l’esprit sur lui-même pour éviter qu’il ne soit débordé. Et de là les dessins, les mots, les sciences et les arts.
Étiquette : nature
Car quoi de plus extraordinaire, de plus profondément bouleversant que la prise de conscience de ce que les êtres autour de nous ne sont pas seulement des machines vouées à leur propre reproduction mais des sensibilités qui, comme nous, jouissent et jouent de la beauté des choses.
Nous avions pensé pouvoir échapper à la frénésie et à la compulsion, nous avions espéré ne plus vouloir tout voir, tout toucher, tout visiter, tout manger ; mais à peine sommes-nous sortis du jeûne qui nous avait été imposé que, sans période de viduité, notre appétit d’ogre est revenu, accru encore des frustrations accumulées pendant ces quelques mois de carême.
Il faut, pour embrasser le malheur, avoir d’abord embrassé l’amour. Pour pleurer la destruction du monde, avoir d’abord compris qu’on l’aimait.
D’un côté comme de l’autre, le marché est inopérant, ou plutôt mal opérant : il risque d’affamer les foules et de détruire toute vie sauvage pour permettre à quelques privilégiés de continuer à mener grand train. Il faut donc lui substituer des dispositifs hors marché, des dispositifs centraux et étatiques fondés sur la redistribution sociale et la norme.
Il nous faut de la magie. Non pour nous rassurer, pour jeter un baume apaisant sur nos craintes et nos blessures ; mais au contraire pour nous troubler, pour semer le doute en nos esprits sûrs d’eux, de leur supériorité et de leur maîtrise des choses.
Parce qu’il n’est ni le sentier, ni la route, le chemin est l’idéal retrouvé du paradis perdu : l’équilibre harmonieux entre les hommes, les femmes et le reste de la nature.
Rien de moins naturel que la sobriété. Elle est effort, elle est tension. Jamais elle ne s’assoupit ou ne se laisse aller. Elle est une retenue attentive et jamais endormie, un de ces serviteurs, de ces vierges sages veillant sans cesse au retour de leur maître dont parlent Luc et Matthieu.
C’est du musée que naît la plainte parce qu’il nous fait regarder ce que nous voyons tous les jours sans le voir.