Visages

Exposition Germaine Richier au Centre Georges Pompidou

Pascal Picq explique, dans Premiers hommes, qu’une part très importante, sans doute prépondérante, de l’activité cérébrale (et donc du développement du cerveau) chez les grands singes et les hommes est dédié aux interactions sociales.

C’est en particulier pour bien gérer nos relations avec nos semblables que nous avons acquis nombre des capacités qui sont les nôtres. Parmi elles, le langage, l’écriture, le calcul, le dessin ; mais aussi la caresse, le sourire, les pleurs et les mimiques ; et probablement aussi, extraordinaire quand on y réfléchit, cette faculté que nous avons de distinguer et de reconnaître les visages.

Dans l’absolu, nos visages se ressemblent beaucoup : pour un tiers non humain qui ne nous connaît pas, je suppose que nous sommes anonymes comme nous sont anonymes les faces des animaux que nous croisons sans que nous soyons familiers avec eux. Et pourtant, il suffit de quelques centièmes, peut-être quelques dixièmes de secondes pour que nous distinguions un visage humain parmi d’autres, que nous le reconnaissions, et que nous captions quelques éléments significatifs permettant d’apprécier l’âge, le sexe, la santé, le statut.

Je suppose que cette compétence est assez générale au sein des êtres vivants, et que non seulement tous les animaux reconnaissent les cris, les vocalisations, l’odeur ou la silhouette particulières de leurs proches mais qu’ils savent également appréhender très rapidement les caractéristiques principales de ceux de leurs semblables qu’ils côtoient quotidiennement.

De la même façon, je présume que les animaux qui, à la saison des amours, se regroupent par milliers ou par millions dans un même lieu, perçoivent immédiatement ce qu’il convient de savoir de ceux qui les entourent et qu’ils rencontrent pour la première fois.

Je n’en suis pas moins stupéfait par ce savoir-faire, par la finesse, la qualité et la rapidité de l’analyse qui permet à chacun d’entre nous de capter, sur ceux qui nous entourent, des signaux et informations extrêmement subtiles, et à nous-mêmes d’être quasi-immédiatement catégorisé, classé, “calculé” pour employer ce néologisme que je trouve assez juste.

Je me demande d’ailleurs s’il n’y a pas, dans notre amour du maquillage, de la coiffure, de la scarification, du vêtement, de la mode, dans notre recherche continuelle de ces atours qui à la fois nous fondent et nous distinguent, le désir de pousser plus loin encore, serait-ce en le brouillant, ce jeu délicieux de l’habit et du moine, du rôle et de la reconnaissance.

Peut-être est-ce dans ce brouillage volontaire des informations, et dans le plaisir manifeste que nous y prenons, que nous autres, hominidés, nous différencions-nous.

Aldor Écrit par :

2 Comments

    • 17 mai 2023
      Reply

      Oui, elles sont très belles.

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