Terriens ?

La plaque emportée vers les étoiles par les sondes Pioneer 10 et 11

En 1972 et 1973, les sondes Pioneer 10 et Pioneer 11, premiers objets humains amenés à sortir du système solaire, ont emporté une plaque métallique couverte de schémas, de dessins, et de la représentation d’un homme et d’une femme.

C’est seulement aujourd’hui que je me fais la réflexion que, pour un message adressé à des peuples qu’éclairent des soleils inconnus, le contenu est très réducteur puisque, de la multitude des êtres peuplant la terre, il ne retient qu’un couple d’homo sapiens.

Je suis absolument convaincu de la dignité fondamentale de l’être humain, de la grandeur de son destin. Mais il n’est pas la terre à lui tout seul, il n’est pas le seul terrien. Or ce que manifestait cette plaque envoyée à travers la galaxie, c’était une vision strictement, étroitement humaine des choses, comme si les seuls êtres vivants, les seules créatures valant la peine d’être présentées aux espèces des autres mondes, c’était nous, et que ni les baleines, ni les girafes, ni les taupes, ni les fleurs de myrte n’étaient assez intéressantes pour être mises en avant.

Elle est curieuse, cette focalisation sur notre propre espèce, notre propre forme d’intelligence, qui se révèle à la fois par cette plaque, par le contenu de nos livres et films de science-fiction, et par la façon dont nous traitons les autres êtres : il n’y a que nous-mêmes, et les formes d’intelligence semblables à la nôtre, capables de connaître la longueur d’onde de l’hydrogène ou la fréquence des pulsars, qui nous intéressent et que nous recherchons dans nos rêves de conquête spatiale. Nous voulons pouvoir discuter, argumenter, échanger, alors même que nous savons et sentons au fond de nous-mêmes que la beauté, la douceur et la saveur du monde sont faites et exigent d’autres choses que nous-mêmes, qu’elles naissent, s’épanouissent et ne se pérennisent que de la diversité de la vie ; et qu’un monde qui ne serait peuplé que d’êtres humains, comme l’est celui de Soleil vert, ou même seulement d’intelligences semblables à la nôtre, serait non seulement voué à une extinction rapide mais un cauchemar pour ceux qui y vivraient.

Nous sentons et savons les liens indissociables, de nécessité mais aussi d’amour, qui nous rattachent au reste du vivant, à la multitude des êtres de la Maison commune mais avons du mal à les reconnaître et à agir en conséquence. Nous aimons, dépendons et détruisons ce dont nous dépendons et que nous aimons. C’est un comportement intrinsèquement inauthentique, qui crée une dissonance cognitive et nous plonge dans un immense désarroi, si ce n’est même dans la tristesse. C’est cela aussi que racontent les mythes du Péché originel et du dresseur de chevaux.

Pioneer serait-il envoyé aujourd’hui dans l’espace, la plaque ne serait pas réalisée de la même manière. La prise de conscience, ai-je d’ailleurs appris en me documentant, a été rapide : dès 1977, les sondes Voyager, elles aussi vouées à un immense voyage, emportent un disque d’or contenant des images et des enregistrements numérisés d’animaux, de plantes, de musiques, de montagnes, de vents, de cris et de chants. La beauté de la terre s’y révèle, dans sa diversité.

Aldor Écrit par :

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