Nous avions pensé pouvoir échapper à la frénésie et à la compulsion, nous avions espéré ne plus vouloir tout voir, tout toucher, tout visiter, tout manger ; mais à peine sommes-nous sortis du jeûne qui nous avait été imposé que, sans période de viduité, notre appétit d’ogre est revenu, accru encore des frustrations accumulées pendant ces quelques mois de carême.
Étiquette : humanité
Tout cela pour dire que, dans le malheur de ces temps de cupidité, de pillage, de violence à l’égard de tous les êtres, humains ou non, qu’on massacre, qu’on opprime, qu’on empêche de vivre dignement, suivre des yeux, serait-ce pour des raisons qui ne sont pas sublimes, une paire de bottines qui avance dans la rue, peut suffire à s’extasier sur la magie du monde et de la vie.
On pourrait penser que, depuis les millénaires que nous gravons, peignons, écrivons, composons, construisons, tout a désormais été dit, pensé, représenté, chanté, construit ; que nous ne pouvons que répéter ou singer ce que d’autres, avant nous, ont conçu et créé. Mais il n’en est rien : notre inventivité, notre capacité à créer du neuf et du beau est intacte, sinon même étendue par l’inspiration qui naît de la contemplation, de la confrontation aux œuvres passées ; loin de s’en épuiser, notre imagination s’accroît de tout ce qui est créé.
Nous sentons et savons les liens indissociables, de nécessité mais aussi d’amour, qui nous rattachent au reste du vivant, à la multitude des êtres de la Maison commune mais avons du mal à les reconnaître et à agir en conséquence. Nous aimons, dépendons et détruisons ce dont nous dépendons et que nous aimons. C’est un comportement intrinsèquement inauthentique, qui crée une dissonance cognitive et nous plonge dans un immense désarroi, si ce n’est même dans la tristesse. C’est cela aussi que racontent les mythes du Péché originel et du dresseur de chevaux.
Voilà bien une chose qui nous manque, et depuis longtemps : de joyeux vagabonds de la nuit, des êtres légers et farceurs qui sachent nous arracher à la pesanteur des temps et à notre esprit de sérieux.
La beauté porte en elle les affres, les vicissitudes, les tribulations de l’incarnation. Et parce que les femmes sont, chez les humains, beaucoup plus assignées à leur corps que ne le sont les hommes, elles subissent l’essentiel de cette ambivalence, de cette injonction contradictoire : être belle mais ne pas en faire trop ; rayonner tout en restant discrète.
Sur quoi l’artiste a-t-il voulu attirer l’attention : sur la responsabilité de la femme dans la Chute, sur la lâcheté de l’homme qui se défausse sur elle ? Ou sur la puérilité de cette humanité incapable d’assumer ses fautes ?
Les qualités, comme les défauts, n’ont ni sexe ni genre. Leur en attribuer un, c’est à la fois contraindre un sexe au respect d’une qualité donnée et inciter l’autre à ne s’en pas soucier. Et cela d’autant plus que que notre culture est, depuis les premiers mythes, fondée sur l’accentuation, l’exaltation de la différence homme/femme.
la différenciation Homme/Femme, qui ne recouvre pas exactement la différenciation Mâle/Femelle, est au cœur de nos sociétés, de de nos cultures, de nos civilisations humaines ; au cœur de l’humanité, et cela depuis toujours et quelle que soit la forme que prenne cette différenciation, quels que soient les rôles assignés aux uns et aux autres.