Nous sommes cet être pétri d’insatiété qui croit parfois rechercher la satiété mais qui sait bien, au fond de lui, que cet objectif est un leurre, que l’atteindre ne servira à rien, qu’il n’en sera pas comblé parce qu’il ne veut pas être comblé, que ce qu’il cherche est le seul mouvement, le seul plaisir du désir, cette seule façon de se sentir vivant.
Étiquette : humanité
Nous sommes ces êtres qui à chaque instant rêvent, imaginent, se souviennent ; à chaque instant s’étendent au-delà d’eux-mêmes ; à chaque instant projettent leurs pensées, leurs espoirs, leur regrets dans l’espace et le temps comme la méduse ses tentacules dans le flux du courant.
Ce qui manque à Dieu, c’est l’amour, le vrai amour ; pas ces erzatz d’amour que sont l’amour divin (αγάπη), ou l’amour familial (στοργή), mais le vrai amour (Έρως), celui qui prend aux tripes et qui emporte tout. Ce qui manque à Dieu, c’est de désirer, de sentir ce besoin de se noyer dans l’autre, de sentir dans sa chair le désir de la chair, le mystère du désir, le plaisir du désir, la souffrance du désir, le délire du désir.
Homo sapiens serait cette créature qui croit librement inventer des technologies sophistiquées par amour de la science mais il ne ferait en réalité que mettre en œuvre un programme génétique : inventer tout ce qu’il faut pour que l’espèce puisse se multiplier et se répandre partout.
Notre extraordinaire capacité à trouver du plaisir partout, à nous enivrer de tout, à nous passionner pour tout, est également porteuse d’inconséquence, de désinvolture, de frivolité, de futilité.
Nous errons, troupeau divagant à travers les places et les boulevards, les cafés et les brasseries, les théâtres, les salles de spectacle, cherchant la lumière et le bruit mais comme nous le ferions de phares : non pour en être constamment illuminés, pour substituer le jour à la nuit, mais pour, restant dans l’ombre, dans cette obscurité un peu canaille que nous aimons aussi, en être parfois brièvement éclairés, éclairés et rassurés.
Il y a, de fait, en dépit de tout ce qui plaide contre elle, mille excellentes raisons de s’intéresser à l’I.A. Mais prenons garde à notre fascination atavique pour l’intelligence, à la séduction du malin, à notre tendance à placer l’intelligence au-dessus de tout. Elle ne le mérite sans doute pas.
Distinguer nos semblables les uns des autres et nous différencier nous mêmes des autres membres de notre espèce, ces deux talents qui se renforcent mutuellement, sont portés, chez les êtres humains, à un très haut degré.
Ce qui nous rend si attachants et magnifiques (et parfois, malheureusement, méchants et maléfiques) ; ce qui fait de la compagnie de nos semblables un trésor passionnant et inépuisable, c’est cette polyvalence, cette versatilité, pour reprendre le mot anglais, qui me semble moins connoté de mécanique et de chimie que le terme français, plus aérien, plus juste