Contraste et mélancolie

Feuilles d’érable dans l’Arboretum de la Vallée aux Loups, à Chatenay-Malabry

Attendant l’autre jour Katia au joli parc de la vallée aux Loups, je regardais le soleil jouer au travers des feuilles d’érable agitées par le vent, et cherchais à capturer l’instant où, les feuilles cachant l’astre, toutes les couleurs éclataient.

Même si nous aimons aussi la tendresse des couleurs noyées, la douceur des paysages se perdant dans la brume, ce sont d’abord les couleurs vives et le contraste qui nous attirent.

Il en va également ainsi dans la musique. Tandis que j’écris ce texte, j’écoute le sublime If love’s a sweet passion, tiré de The Fairy Queen, de Henry Purcell. Plusieurs éléments concourent certainement à la beauté de ce morceau, notamment le charme érotique (et non pas du tout angélique) de la voix féminine qui y chante. Mais joue aussi la suite continuelle de hauts et de bas alternés, de graves et d’aigus, qui enchantent l’oreille comme le chatoiement des couleurs enchante les yeux.

Il y a sûrement là quelque chose inscrit au cœur de nos gènes (un signe de bonne santé peut-être ?), un réflexe qui nous pousse également vers les lèvres rouges et le noir du rimmel ou du khôl cernant le blanc des yeux ; une attirance spontanée vers la couleur et le contraste.

Avec le temps et l’expérience, on peut apprendre à aimer aussi ce qui est lunaire et pastel. Mais j’ai le sentiment que ces attraits nimbés et estompés sont seconds, qu’ils ne peuvent venir qu’avec le temps, l’expérience ou peut-être la peine.

Enfant, j’étais de ceux qui prétendaient préférer la lune au soleil mais je pense que, dans cette préférence prétendue, la tristesse, le dépit, ou la conscience de n’avoir pas le charme solaire de certains de mes camarades se mêlaient à une sorte de pose romantique : j’érigeais artificiellement en valeur ce que je savais bien, au fond de moi, être une faiblesse et un défaut, un faute de mieux. Peut-être n’est-ce pas toujours le cas mais ça l’était chez l’enfant que je fus : une façon de prétendre aimer cet effacement dont je souffrais.

Brume sur l’étang du Parc de la Tête d’or, à Lyon

Avec le temps, l’expérience et peut-être la peine, les choses changent. Et l’on découvre peu à peu l’attrait étrange de la mélancolie. Qu’il est beau, en vérité, le monde, quand les teintes n’y sont plus saturées, que la douceur et la pâleur réapparaissent, que la lumière se fait plus tendre, les couleurs moins violentes, les nuances plus délicates. Il y a, dans les heures entre chien et loup, dans les éclats apaisés, des choses sublimes qui se dévoilent, des choses subtiles qui, au simple bonheur esthétique, ajoutent le plaisir de ne pas se livrer au tout-venant.

J’ai, pour ceux qui au travers de l’aquarelle, de la photographie, du dessin, de la poésie, du chant ou de la musique, savent rendre et exprimer la mélancolie des choses, la beauté tendre et discrète qui y est contenue, invisible à ceux que le temps presse, une immense gratitude. Leur attention révèle ce que le premier regard ne voit pas, il rend au monde sa douceur et sa complétude.

Mais à cela, souvent, il faut du temps, de l’expérience, et parfois cette peine qui vient à qui attend celle qui ne vient pas.

Aldor Écrit par :

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