Il faut, pour traduire, accepter de changer un instant de point de vue, vouloir sortir du cocon, de la familiarité, mais aussi de la discipline d’expression et de pensée que crée et en quoi consiste le “génie de la langue”, cette façon particulière que nous avons de dire et de bâtir le monde en le disant.
Catégorie : Choses de la vie
Cela, nos sociétés aussi doivent l’apprendre : qu’il existe un plaisir à jouir de la beauté du monde sans en faire sa chose, sans chercher à en explorer, à en épuiser, à en exploiter la totalité ; qu’il existe un plaisir à maintenir et à savoir qu’existe un au-delà, un intouché, une place pour autre chose.
Quand vient l’hiver, nos nuits sont plus belles que nos jours, pour reprendre et décaler un peu ce beau vers de Racine évoquant les nuits de janvier à Uzès.
“Il y a une limite précise dans l’aide apportée aux autres. Au-delà de cette limite, invisible à beaucoup, il n’y a que volonté d’imposer sa propre façon d’être”, observe Modesta, la libre et superbe héroïne de L’Art de la joie, de Goliarda Sapienza.
Je crois que c’est pour son épaisseur, son hétérogénéité, son irréductible désordre, son mélange incessant de petites et grandes choses, de phénomènes célestes et de faits anecdotiques et ridicules ; pour son manque de sérieux et d’esprit de sérieux que la vie vaut d’être vécue.
Je me dis parfois, de plus en plus souvent, qu’une promesse faite mais non tenue vaut mieux que l’absence de promesse ; et que celle-ci est plus souvent révélatrice de pusillanimité que de noblesse de coeur.
Entre la sobriété imposée de la pensée collapsologique et celle qui ne pourrait prospérer que sous le contrôle de gourous ou de grands inquisiteurs, poliçant la pensée et les désirs, il faut inventer le chemin vers une frugalité non seulement heureuse mais joyeuse ; une frugalité énergique, positive, individuelle, libre et solaire.
Nous aimons le temps des ratatouilles. Mais nous aimons aussi qu’il prenne fin, que se referme un jour la parenthèse des vacances et que lui succède, dans le sanglot céleste des derniers jours d’août, le temps de la rentrée.
Je me dis parfois, écoutant les cigales et les oiseaux, les saudades et les comédies musicales, que la voix et le chant sont, à nos émotions, ce que les poils sont à la chaleur corporelle. Et de même que ceux-ci permettent aux humains, malgré leur apparence fragile, d’être de redoutables prédateurs car capables d’épuiser une proie en la poursuivant sur des kilomètres, la voix nous permet de dissiper les émotions trop fortes qui, sans le chant, finiraient par nous étouffer comme leur chaleur étouffe les animaux chassés à courre.