L’autre jour, dans une librairie de Saint-Germain-des-Prés, entre un important, qui marque la haute opinion qu’il a de lui-même à sa façon de parler fort, pour que chacun l’entende, puisse lui rendre hommage et montrer déférence.
Catégorie : Choses de la vie
La mode est une chose fascinante. Je suis admiratif de tous les talents, tous les efforts, toutes les minuties réunies pour magnifier le corps humain, notamment celui des femmes, et pour le dresser dans des tissus, des plis, des formes et des couleurs qui le rendent suprêmement élégant, lui donnant la grâce, et d’une certaine façon le naturel, que la nature ne nous a pas donnés.
Nous aimons la transparence mais en même temps les replis, ce qui rend les êtres retors, voire un peu pervers : les assassins au grand coeur, les nonnes licencieuses, les bourreaux amateurs de musique, les concierges spécialistes de littérature – tout ce qui permet de donner épaisseur et suprise à l’image simple que nous nous faisons des êtres.
Aucune des deux démarches : celle qui ne s’attache qu’aux similarités et celle qui ne voit que les différences, ne suffit à rendre compte du simul et singulis dont l’humanité, comme le vivant en général, est fait.
On peut évidemment se tromper ; il faut évidemment pouvoir se tromper : si la chose était sûre, ce ne serait plus foi mais connaissance, et la magie du saut dans le vide disparaîtrait. C’est de l’incertitude que le geste tire sa beauté et donc sa force.
Accepter ce qu’on ne comprend pas, comme le fait aussi Alceste de son amour pour Célimène, c’est toujours périlleux, comme un saut dans le vide. Mais il y a sûrement une part de magie et d’incompréhensible à accepter pour ne pas passer à côté du monde et de la vie. Le scepticisme, “cette carie de l’intelligence” comme disait Victor Hugo, ne peut être notre seul maître. Il est vain et ne conduit nulle part.
Il y a un grand plaisir, une grande satisfaction, dans l’accomplissement des choses non pas simples, non pas courtes, non pas manuelles, mais rondes ; je veux dire : ces choses dont on peut faire le tour, qu’on peut commencer et achever, qu’on peut accomplir.
C’est ce que nous devons apprendre : ne pas nous définir, comme c’est le plus facile, le plus tentant, le plus immédiat, le plus naturel peut-être, par le rejet des autres (ou de l’Autre) ; ne pas fuir sous prétexte qu’on nous suit.
C’est très étrange, presque bouleversant, cette capacité que nous avons à oublier le temps qui passe, ou plutôt à vivre simultanément dans plusieurs temps qui se superposent, s’entremêlent, se croisent, faisant de nous des voyageurs.
L’aventure la plus extraordinaire est celle qui, prenant place chaque jour, exige qu’on jette chaque jour sur le monde un oeil neuf, un œil lavé des souvenirs, que la zone de confort n’est pas dans le monde mais dans l’esprit qui le conçoit, qui croit le voir et se laisse aveugler par son conformisme