Il me semble que la seule chose qui croisse vraiment, au bout du compte, c’est l’humanité, je veux dire le nombre de femmes et d’hommes peuplant cette planète. Le reste, et notamment le progrès matériel et technologique, qui est réel et tangible, ne sert en fait qu’à cela : rendre possible la croissance de la population
Catégorie : Le monde tel qu’il est
C’est étrange, c’est paradoxal, c’est irrationnel mais c’est ainsi : nous autres, êtres humains, avons envie et sans doute même besoin de respirer, de sortir de ce que nous connaissons, même quand nous l’aimons, de voir ailleurs. Nous sommes cet animal qui migre.
Ne serait-ce la tristesse et l’uniformité de leurs atours, leur allure de croque-mort, on pourrait se croire revenus au début du siècle dernier, quand les cochers des demi-puissants et des demi-mondaines se retrouvaient, à Passy ou Auteuil, tandis que leur maître et maîtresse se pavanaient dans les allées du Bois
Vaguemestre, garde-champêtre : tout cela a, peut-être à tort, le son un peu vieillot, le son d’accordéon d’un monde un peu plus doux.
Les êtres, humains mais aussi animaux, les êtres humains comme les autres animaux, ne sont interchangeables que pour celles et ceux qui les veulent interchangeables,…
Ne pas oublier pour ne pas, par lassitude, pragmatisme et dégoût de nous-mêmes, sombrer dans l’indifférence, pour ne pas finir par accepter l’inacceptable.
L’histoire des hommes, et plus largement celle de l’espèce humaine, est histoire du même et de l’autre, une danse perpétuelle, entre l’universel et le particulier, l’unification et la différenciation, le simul et le singulis.
Qu’on porte plus d’attention aux victimes qui nous sont proches qu’à celles qui, à tort ou à raison, paraissent plus éloignées, c’est normal et sain. Mais qu’on oublie les victimes de l’autre camp, ou que, dans notre façon d’en parler, on manifeste qu’on les juge moins importantes, moins dignes d’attention, de respect ou de compassion que les autres, et on s’engage alors sur le chemin de la propagande, qui conduit au pire.
La femme de Montserrat, sculptée par Juli Gonzàlez, et qui hurle sa douleur, n’a ni camp ni patrie. C’est une paysanne catalane (mais elle pourrait être de partout), et on ne sait si elle a été victime des crimes fascistes dénoncés par Georges Bernanos ou des exactions républicaines dénoncées par Simone Weil. Et cela importe peu car cette femme, cette Pietà moderne, incarne, dans la souffrance de son cri, toute la douleur humaine, l’universelle et unique douleur humaine.
Les sombres temps
Il faut inverser Adorno : comment peut-on, après Auschwitz et Hiroshima, comment peut-on oser faire encore autre chose que de la poésie et du théâtre ?