Imaginons donc que, comme pour l’intelligence, la simple imitation de l’amour par prédiction probabiliste des mots et tokens susceptibles de poursuivre une suite de mots amoureux puisse, presque miraculeusement, créer un discours amoureux, un discours amoureux indiscernable de celui de l’amante ou de l’amant.
Catégorie : On est peu de choses
Il serait utile de mettre au point, à côté du test de Turing que chacun connaît, un test plus particulier, appelons le test de Pygmalion, conçu pour évaluer la capacité des IA à simuler l’amour et ce qui va avec.
Amantes et amantes IA : ces compagnes et compagnons devant le regard desquel.le.s nous ne tremblons pas, qui ne réveillent pas chaque jour en nous la terreur d’être un jour abandonné.e.s.
Au fond, et depuis Pygmalion au moins, la seule chose qui nous intéresse vraiment, là dedans, c’est le sexe : le sexe et la sexualité des IA génératives : les IA peuvent elles aimer, les IA peuvent-elles faire crac crac ?
Nous sommes les enfants de la Chute et de Po-Io, le dresseur de chevaux, les héritiers de cette coupure d’avec le reste de la création, les filles et les fils de cette séparation initiale qui fit de nous ce que nous sommes. Et aussi liés que nous soyons avec les autres créatures, aussi intimement plongés que nous soyons dans le monde, nous sommes autres et jouissons d’abord de nous-mêmes.
Nous sommes justement admiratifs de la rapidité et de l’efficacité des intelligences artificielles, de leur capacité à brasser une quantité phénoménale d’informations et à prendre des décisions dans l’urgence mais savons qu’au bout du bout et pour les choix les plus fondamentaux, il importe moins d’être rapide et efficace que de prendre le temps du recul, le temps de la mélancolie. C’est pourquoi, étonnamment, à nos presque jumeaux : gorilles, et surtout chimpanzés et bonobos, nous préférons les orang-outans, ces cousins au regard pensif.
Nous sommes cet être pétri d’insatiété qui croit parfois rechercher la satiété mais qui sait bien, au fond de lui, que cet objectif est un leurre, que l’atteindre ne servira à rien, qu’il n’en sera pas comblé parce qu’il ne veut pas être comblé, que ce qu’il cherche est le seul mouvement, le seul plaisir du désir, cette seule façon de se sentir vivant.
Quand on demande aux IA génératives de représenter le réel, il est singulier de leur reprocher ensuite de livrer une version réaliste du réel.
Dans ces affaires ou l’importance des choses se reconnaît au retournement, à l’hésitation continuelle de la conscience, le signe le plus clair de la pesanteur est ce besoin de vouloir trancher de facon définitive, cette incapacité à accepter la légèreté de l’être.