Je me demande, parfois, si l’on ne prend pas les choses à l’envers. S’il n’est pas déraisonnable d’imaginer qu’on puisse, avant d’avoir éradiqué en nous cette violence, bâtir une nouvelle alliance ? S’il n’est pas illusoire de songer s’attaquer au réchauffement climatique, à l’effondrement de la biodiversite, à la salissure du monde sans être d’abord allés au coeur des ténèbres pour reconnaître le colonel Kurtz que chacun d’entre nous a en lui ?
Catégorie : Choses de la vie
Je ne comprends pas bien ces hommes et ces femmes qui, à l’incroyable richesse de la dualité hommes-femmes, préfèrent la platitude indifférenciée de l’humain ; ces humains qui militent pour plus de mixité, tout en prétendant qu’hommes et femmes sont strictement identiques ; ces hommes et ces femmes tellement imbues de patriarcat qu’elles ne valorisent que les attributs prêtés aux hommes.
Nous avons tendance à tout vouloir perfectionner, y compris ce qui travaille contre nous et contribue objectivement à la destruction de l’environnement et au pillage du monde : faire mieux est chez nous un ressort plus puissant que faire bien.
Habiter vraiment son rôle (ou sa fonction) est le seul moyen de lui donner vie et humanité, de lui ouvrir les chemins de la morale et du remords, et de lui permettre d’échapper à la fonction de rouage anonyme appliquant mécaniquement les consignes reçues.
Il y a, dans tout sentiment amoureux, l’ambition (la prétention ?), l’illusion peut-être, d’être celui ou celle par qui l’espérance, la joie et le salut se fraieront un chemin jusqu’au cœur de l’autre ; d’être le prince charmant dont les sentiments purs, l’amour vrai et le dévouement sauveront l’être aimé de son sommeil, du sort qui lui fut jeté, de ses peurs ; et lui permettront d’être enfin lui-même, d’être qui il ou elle est vraiment.
Je me demande s’il n’y a pas, dans notre amour du maquillage, de la coiffure, de la scarification, du vêtement, de la mode, dans notre recherche continuelle de ces atours qui à la fois nous fondent et nous distinguent, le désir de pousser plus loin encore, serait-ce en le brouillant, ce jeu délicieux de l’habit et du moine, du rôle et de la reconnaissance.
C’est précisément dans l’acceptation du mouvement propre de la discussion, et donc dans l’abandon de nos arguments premiers, que le progrès de la réflexion et la qualité de l’échange résident.
Dans l’arrêt de la main et dans la retenue, quelque chose peut naître, qui n’était ni nécessaire, ni attendu. Et c’est ainsi que paraît l’autre grâce : dans le vide et le silence volontairement laissés, dans l’attente qui se répand, l’altérité, la création, le divin, peuvent advenir, en une répétition du Tsimtsoum initial.
J’ai, pour ceux qui au travers de l’aquarelle, de la photographie, du dessin, de la poésie, du chant ou de la musique, savent rendre et exprimer la mélancolie des choses, la beauté tendre et discrète qui y est contenue, invisible à ceux que le temps presse, une immense gratitude. Leur attention révèle ce que le premier regard ne voit pas, il rend au monde sa douceur et sa complétude.
Sans doute une part de l’humain est-elle dans cette distraction chronique, dans cette difficulté à rester mobilisé vers un objectif unique, dans ce dilettantisme constant de l’attention qui est à la fois ravageur et fécond. Ravageur parce qu’il interdit d’approfondir, qu’il gêne l’étude et le travail arides ; fécond parce qu’il permet d’évoluer, de passer à autre chose et, parfois, dans ce cheminement vers autre chose, de mieux revenir à ce qu’on a quitté.
