« Il part quand, le bateau pour le Soudan ? », demandent ceux qui, sous couvert d’équité et d’universalisme, travaillent à ce que jamais il ne parte, à qu’il reste toujours à quai.
Étiquette : Gaza
À quoi cette construction systématique d’un chaos des lieux, des vies, des esprits et des âmes ; à quoi fait-elle penser, sinon à certaines des heures les plus sombres, les plus tristes, les plus désespérantes pde l’histoire humaine ?
Pourquoi faut-il, comment se fait-il que ce soit Abraham qui apprenne cela à Dieu : qu’aussi nombreux et terribles aient été les crimes des habitants de Sodome et Gomorhe, ils ne justifient pas, en rien ils ne justifient qu’on s’en prenne à l’innocent ?
En faisant du 7 octobre un commencement, on s’interdit de voir tout ce qu’il y a comme recommencement, comme simple et tragique recommencement, dans l’immolation des Gazaouis dans le silence des nations.
Ceux qui ne voient, ceux qui veulent ne voir, dans les foules demandant la paix pour Gaza, que des assassins en puissance ou des complices des assassins ; ceux qui, dans les mains brandies par les manifestants, ne veulent voir que celles peintes en rouge, et précisément celles d’entre elles qui le seraient pour de mauvaises raisons, ceux-là se voilent la face et apportent leur pierre à la lourdeur, à la pesanteur des choses.
Les êtres, humains mais aussi animaux, les êtres humains comme les autres animaux, ne sont interchangeables que pour celles et ceux qui les veulent interchangeables,…
Ne pas oublier pour ne pas, par lassitude, pragmatisme et dégoût de nous-mêmes, sombrer dans l’indifférence, pour ne pas finir par accepter l’inacceptable.
La femme de Montserrat, sculptée par Juli Gonzàlez, et qui hurle sa douleur, n’a ni camp ni patrie. C’est une paysanne catalane (mais elle pourrait être de partout), et on ne sait si elle a été victime des crimes fascistes dénoncés par Georges Bernanos ou des exactions républicaines dénoncées par Simone Weil. Et cela importe peu car cette femme, cette Pietà moderne, incarne, dans la souffrance de son cri, toute la douleur humaine, l’universelle et unique douleur humaine.
Il y a l’injustifiable, l’irréparable qui a été commis et qu’on ne peut laisser impuni.
Et puis il y a l’idée qu’on ne combat jamais pour le passé et pour punir mais seulement pour construire un avenir meilleur, et que c’est cela seul qui doit guider.
Il y a l’idée que c’est justement parfois en ne laissant pas le passé impuni que l’avenir peut vraiment se construire.
Et puis il y a l’idée qu’il y a des façons de punir qui reproduisent le mal commis et qui ne font que remettre une pièce dans la machine.