Je crois que c’est pour son épaisseur, son hétérogénéité, son irréductible désordre, son mélange incessant de petites et grandes choses, de phénomènes célestes et de faits anecdotiques et ridicules ; pour son manque de sérieux et d’esprit de sérieux que la vie vaut d’être vécue.
Catégorie : Choses de la vie
Je me dis parfois, de plus en plus souvent, qu’une promesse faite mais non tenue vaut mieux que l’absence de promesse ; et que celle-ci est plus souvent révélatrice de pusillanimité que de noblesse de coeur.
Entre la sobriété imposée de la pensée collapsologique et celle qui ne pourrait prospérer que sous le contrôle de gourous ou de grands inquisiteurs, poliçant la pensée et les désirs, il faut inventer le chemin vers une frugalité non seulement heureuse mais joyeuse ; une frugalité énergique, positive, individuelle, libre et solaire.
Nous aimons le temps des ratatouilles. Mais nous aimons aussi qu’il prenne fin, que se referme un jour la parenthèse des vacances et que lui succède, dans le sanglot céleste des derniers jours d’août, le temps de la rentrée.
Je me dis parfois, écoutant les cigales et les oiseaux, les saudades et les comédies musicales, que la voix et le chant sont, à nos émotions, ce que les poils sont à la chaleur corporelle. Et de même que ceux-ci permettent aux humains, malgré leur apparence fragile, d’être de redoutables prédateurs car capables d’épuiser une proie en la poursuivant sur des kilomètres, la voix nous permet de dissiper les émotions trop fortes qui, sans le chant, finiraient par nous étouffer comme leur chaleur étouffe les animaux chassés à courre.
Les meilleurs d’entre nous ont, à la force de leur imagination et de leur talent, bâti un monde imaginaire qui se superpose au monde réel, l’enrichissant de couleurs, de sens et de connotations multiples. C’est dans cette superstructure chatoyante et remplie d’émotions que nous passons l’essentiel de notre vie, tout autant si ce n’est plus que dans le monde réel.
J’aimerais être Moravia pour écrire, ou Godart pour filmer L’ennui, qui serait le contrepoint du Mépris, l’histoire d’un couple où nul n’aurait rien à reprocher à l’autre, mais qui se déferait pourtant sous la lente et irrésistible morsure de l’ennui.
Ne sont vraies et importantes que les choses vibrantes, vis-à-vis desquelles la cohérence n’est jamais totalement acquise.
L’image des cimetières n’exprime pas ce que nous avons été mais ce que nous laissons. Et aussi choquant, voire scandaleux, que cela puisse paraître, c’est bien notre vieillesse que nous laissons en souvenir lorsque nous mourons vieux. Jeunes, beaux, forts et dynamiques, nous l’avons sans doute été ; mais dans un passé à jamais révolu et à jamais enfui, qui a déjà donné ce qu’il pouvait donner et n’a plus aucune réalité.
