On va, sans le moindre respect, sans la moindre vergogne, asservir un animal sauvage, le parquer avec des milliers d’autres dans des bassins artificiels, lui donner à manger une nourriture infecte, le faire grandir et l’engraisser en le maintenant en captivité, puis à la fin, au bout de quelques mois, le tuer, avec des milliers d’autres, pour le découper en morceaux et l’expédier aux quatre coins du monde.
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je me demande si, à force de se laisser aller à cet excès complimentoire, à ce déversement continuel de gratitude, on ne finit pas par ressentir les effets délétères de cette inflation du vocabulaire, et par toucher ces sphères où les mots ont été tellement usés en vain, tellement dévalorisés par leur abus, qu’ils ne signifient plus rien.
Qui a côtoyé un tel sourire sait que les mots qu’on prononce, les idées qu’on défend, les pensées qu’on porte sont en fait beaucoup moins importants que cette lumière, cette énergie, cette bonté qui émane du sourire.
L’action est forcément simple, voire univoque car dans l’action la simplicité est nécessaire à l’efficacité ; la pensée, quant à elle, tend naturellement à la nuance et à la complexité car c’est son mode d’être. La langue de bois consiste à forcer la pensée, complexe et nuancée, à se couler dans le moule simple de l’action.
Alors que ce “Mais ça n’est pas grave” prétend atténuer la faute que nous aurions commise, sa fonction réelle est de dédouaner notre interlocuteur de son propre mensonge, ou exagération, ou raisonnement fallacieux. Il est un marqueur de la gêne de notre interlocuteur qui, conscient de sa mauvaise foi, cherche dans la relativisation de la faute que nous aurions commise une façon de relativiser son propre mensonge et de diminuer sa mauvaise conscience
J’éprouve un lâche soulagement à être placé, pour le second tour, devant un choix très simple et à ne pas devoir, le 24 avril, peser à n’en pas finir le pour et le contre. Et moi aussi j’assume. Parce que l’histoire ne se termine pas là et que le choix quasi-imposé du second tour ouvre en fait grand les portes de l’avenir.
On me demande quelque chose ; je le prends un peu de haut, considérant que c’est une faveur qu’on me demande ; et ce n’est que plus tard que je réalise mon erreur : en s’adressant ainsi à moi, on me demandait moins une faveur qu’on ne m’en faisait une, celle d’être choisi.
Le diable et les créatures de Jerome Bosch, les êtres démoniaques qu’on trouve dans toutes les cultures du monde et que tous les enfants cherchent sous leur lit la nuit venue, ne sortent pas de rien mais de là : il y a, au fond de nous, quelque chose de cruel qui palpite.
Dans ce livre extraordinaire, fascinant de finesse et d’intelligence qu’est Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir a cette formule : “Tout homme ressuscite plus ou moins le roi Candaule : il exhibe sa femme parce qu’il croit ainsi étaler ses propres mérites”.