On peut, lorsqu’on est content, se contenter de son contentement, et tomber ainsi dans la satisfaction un peu bourgeoise ; mais on peut aussi, rempli de cette énergie singulière qu’est la joie, s’arracher à l’attraction de soi-même et s’élancer vers les étoiles et vers les autres, dans ce mélange d’altruisme et de volonté de puissance qui, bien que positif, n’est jamais très loin de l’ύβρις.
Étiquette : joie
Il ne suffira pas, pour sauver le monde, de sobriété et de respect ; il y faudra aussi du réenchantement et de la poésie, de la magie et du sacré.
Il ne s’agit pas d’enrichir le monde ; il s’agit de le démonétiser, de recréer et d’agrandir des espaces naturels, mentaux, culturels, sociaux, qui ne soient pas soumis à notre avidité et au jeu continuel de l’offre et de la demande. Des espaces physiques et intérieurs libérés de cette pression où le monde puisse se réenchanter.
La joie et le bonheur, quand ils sont dans l’élan du devenir, ont le charme de la terre promise. Mais celle-ci une fois atteinte, la tension du désir une fois retombée, le naturel revient, galopant, et c’est notre insondable propension à la bêtise et à la vanité qui reprend le dessus, comme chez ces Bourgeois de Brel qui se croient arrivés.
D’un point de vue politique, bonheur et joie sont très différents et ont des connotations presque opposées : quoi qu’ait pu en dire Saint-Just, le bonheur est conservateur et la joie révolutionnaire.
Le bonheur est un état. Et à certains d’entre nous, à beaucoup, peut-être à tous, manque un ingrédient supplémentaire qui, à cet état ajoute mouvement et élan, vibration, émotion : ce qui manque au bonheur pour que le bonheur soit complet, c’est la joie.
D’un côté la vie, avec son flux continu, ses oublis, son infidélité, ses trahisons, sa schizophrénie quotidienne ; de l’autre le pur, le vrai, l’authentique, l’incorruptible, mais qui au bout du compte, aux compromissions de la vie, préfère la mort.
Les sombres temps
Il faut inverser Adorno : comment peut-on, après Auschwitz et Hiroshima, comment peut-on oser faire encore autre chose que de la poésie et du théâtre ?