Il y a une façon de rendre hommage aux gens, que nous pratiquons tous, je pense (du moins je sais que cela m’arrive) et qui est à la fois irritante et malvenue. C’est celle qui consiste à souligner non pas les qualités intrinsèques d’une personne ou de son œuvre mais la notoriété des hommes et des femmes qu’elle a côtoyées.
Étiquette : Katia
Je crois que c’est pour son épaisseur, son hétérogénéité, son irréductible désordre, son mélange incessant de petites et grandes choses, de phénomènes célestes et de faits anecdotiques et ridicules ; pour son manque de sérieux et d’esprit de sérieux que la vie vaut d’être vécue.
Je me dis parfois, de plus en plus souvent, qu’une promesse faite mais non tenue vaut mieux que l’absence de promesse ; et que celle-ci est plus souvent révélatrice de pusillanimité que de noblesse de coeur.
Peut-être notre génie propre, notre capacité à représenter le monde, à le penser, à le rationaliser (et notre propension à l’instrumentaliser qui l’accompagne) découle-t-elle de cette angoisse, de cette panique première face aux choses, de ce renfermement initial de l’esprit sur lui-même pour éviter qu’il ne soit débordé. Et de là les dessins, les mots, les sciences et les arts.
Il y a, dans le balancement de la marche, une invitation constante à sentir, à penser, et parfois à rêver. Mais cette invitation diffère selon la marche, selon qu’on soit sur une route, un chemin ou un sentier : il y a, dans le rythme différent des pas, dans la maîtrise plus ou moins grande qu’on a de ce rythme, dans la confiance qu’il est plus ou moins nécessaire d’accorder à son corps plutôt qu’à son esprit, une variété d’états d’âme. Sur les grandes voies, l’esprit est militaire ; sur les sentiers, il danse comme un papillon.
J’aimerais être Moravia pour écrire, ou Godart pour filmer L’ennui, qui serait le contrepoint du Mépris, l’histoire d’un couple où nul n’aurait rien à reprocher à l’autre, mais qui se déferait pourtant sous la lente et irrésistible morsure de l’ennui.
Il y a quelque chose de scandaleux et de révoltant dans le principe de l’absolution, lorsqu’elle est accordée à des femmes ou à des hommes qui ont commis le mal dans le passé. Mais il y aurait quelque chose de plus scandaleux et révoltant encore à interdire qu’elle ne leur soit accordée. Car en définitive, face au présent, le passé ne pèse rien et c’est très bien ainsi.
Les êtres vivants, a dit je-ne-sais plus quel philosophe, physicien, ou biologiste, sont ces êtres qui savent transformer ce qu’ils mangent, boivent et respirent en leur propre substance : séquoia, lapin, femme, homme ou pâquerette. Mais il y a une lourde tendance des nourritures mentales et spirituelles les plus dégradées à devenir dégradantes pour celles et ceux qui les ingèrent et en font leur festin. Toutes leurs pensées et tous leurs actes finissent par être gangrenés par cette vilénie et cette bassesse qui deviennent leur substance et le centre de leur intérêt.
On peut, lorsqu’on est content, se contenter de son contentement, et tomber ainsi dans la satisfaction un peu bourgeoise ; mais on peut aussi, rempli de cette énergie singulière qu’est la joie, s’arracher à l’attraction de soi-même et s’élancer vers les étoiles et vers les autres, dans ce mélange d’altruisme et de volonté de puissance qui, bien que positif, n’est jamais très loin de l’ύβρις.
Je ne comprends pas bien ces hommes et ces femmes qui, à l’incroyable richesse de la dualité hommes-femmes, préfèrent la platitude indifférenciée de l’humain ; ces humains qui militent pour plus de mixité, tout en prétendant qu’hommes et femmes sont strictement identiques ; ces hommes et ces femmes tellement imbues de patriarcat qu’elles ne valorisent que les attributs prêtés aux hommes.